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Le dechet - Deuxieme partie

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Le chasseur était content de sa trouvaille. La bestiole était jeune et malléable. Il en ferait vite une bête docile. Ragaillardi par sa fructueuse journée, il s’arrêta en passant devant la maison close, hésitant. Il regarda son sac de peau puant, où le chiot se débattait timidement de temps à autre, puis l’entrée du bordel. Il avait quand même grande envie d’aller tâter du cul et de distribuer quelques branlées. Son fardeau sur l’épaule, il poussa la porte.
Dès son entrée il y eut moult mouvements furtifs dans la salle. Toutes les prostituées le connaissaient et aucune ne voulait être l’heureuse élue de ses attentions. Il devait payer un supplément pour avoir le droit de cogner, mais ça en valait la peine, les entendre couiner et pouvoir admirer leur visage couvert de larmes et de sangs était jouissif. Dès qu’il aperçut la maquerelle, il lâcha sa gibecière qui atterrit au sol sur un bruit mat, suivi d’un glapissement douloureux. La matrone leva la tête, se renfrognant en voyant qui était le client, puis d’un regard embrassa la salle pour voir si elle distinguait une de ses filles. Toutes avaient subitement trouvé mieux à faire.
– Tu veux qui ? demanda-t-elle, peu amène.
– La grosse Dolly.
Aussitôt un couinement malheureux retentit, à l’autre bout de la salle, dans l’un des étroits couloirs.  

– Dolly, sauve-toi. Tu n’es pas obligée d’y aller. S’il ne te trouve pas, il en prendra une autre, sanglota Fanny, sa meilleure amie.
Tout comme Dolly, Fanny était déjà passée sous les mains du chasseur, elles savaient donc toutes deux ce qui attendait son amie. Mais avant que Dolly puisse suivre ses conseils, une main brutale s’abattit sur son épaule. Elle cria de peur en sursautant.
– Allez, vient là ma belle. J’ai déjà payé ta patronne.
Le chasseur prit la main de Dolly dans sa grosse poigne ferme et collante, toujours poissée du sang de son chien qu’il avait tué puis dépecé, pas réellement dans cet ordre d’ailleurs, quelques heures plus tôt, et la traîna derrière lui, tout en gardant sur l’épaule le sac qui glapissait régulièrement en s’agitant.
Dolly jeta en arrière un regard résigné et vit Fanny, couverte de larmes, voyant son amie ainsi choisie.

 

Dès que la porte fut fermée, Fanny s’approcha craintivement. Si elle avait le courage, elle entrerait et tuerait ce déchet, mais voilà, Fanny était comme toutes les autres, trop faible pour agir à sa guise et faire de ses actes des évènements admirables. Non. Fanny, comme toutes les autres, ne savait que fléchir l’échine sans broncher et subir le joug des plus forts sans trop crier. Plus elles criaient et plus les brutes cognaient.
Fanny sursauta, elle venait d’entendre, à travers la porte, le bruit d’une gifle et les pleurs de Dolly commencer.
Tout en exécutant les cent pas devant la chambre, se faisant un sang d’encre pour son amie qu’elle entendait glapir de douleur ou couiner de frayeur sous les coups de poings et de hanches de son client, Fanny aperçut Lame entrer dans l’établissement. C’était comme ça que toutes l’appelaient ici, Lame. Et d’une, elle n’avait jamais voulu donner son vrai nom et de deux, elle poignardait tous ceux qui lui cherchaient noise, même un tout petit peu.

 

Lame avait le visage dissimulé sous son couvre-chef défraîchi et profondément enfoncé sur sa tête, dissimulant ainsi ses yeux dès qu’elle baissait légèrement le menton, lui conférant un air encore plus féroce. Sa longue redingote râpée et élimée, d’un sombre vert terne, lui arrivait aux mollets et claquait sur son pantalon, tout aussi usé, comme une voile mal arisée, accentuant encore son charisme naturel alors que ses armes, son sabre court et son poignard, soulignaient avec assurance sa taille svelte et musclée.
La présence naturellement menaçante et curieusement réconfortante de la sabreuse donna à Fanny une lueur d’espoir. Elle dévala les marches et se jeta dans ses bras.

– Lame, le chasseur est avec Dolly.
Lame souleva légèrement son chapeau de chanvre déformé du bout du doigt et leva les yeux en direction de l’étage. Un cri et des pleurs retentirent, étouffant les ahanements pourtant bruyants de l’homme.

– J’entends ça.– Lame, tu dois le tuer. Tue le chasseur pour nous.
– Ça ma p’tite, c’est une mauvaise idée. C’est un malade ce gars, même moi je ferais pas le poids face à c’déchet.
– S’il te plaît Lame, je te donnerai tout ce que j’ai.
Lame, qui avait posé une main tendre sur la hanche de Fanny lorsque cette dernière s’était jetée dans ses bras, la regardait avec une lueur chagrine, les sourcils froncés et un rictus contrarié à la commissure de ses lèvres.

– J’voudrais bien chérie, j’te jure, mais une lame ne suffira pas face au chasseur.
Fanny se pencha alors plus avant, rapprochant ses lèvres de l’oreille de la sabreuse et murmura.

– Je sais où la patronne cache son pistolet à silex.
– Vrai ? s’enquit Lame, intriguée, affichant enfin son redoutable sourire mutin.

 


© Claytone Carpe 2018

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